Anti-thyroïdiens de synthèse pendant la grossesse : quel risque pour le fœtus ?

L’hyperthyroïdie durant la grossesse n’est pas une pathologie exceptionnelle puisqu’on rapporte une prévalence de 0,1 à 0,4%, secondaire le plus souvent avec une maladie de Basedow. Un traitement par un anti-thyroïdien de synthèse (ATS) est le plus souvent indiqué afin de restaurer une euthyroïdie maternelle. Les molécules principalement utilisées sont le carbimazole (CZ) et le propylthio-uracile (PTU). Ces molécules passent la barrière placentaire avec un transfert et une clearance assez similaire. Leur efficacité dans le traitement de l’hyperthyroïdie semble équivalente et des études antérieures suggèreraient une association entre des malformations fœtales et l’utilisation du carbimazole. En ce qui concerne le PTU, l’association à un risque tératogène n’y était pas retrouvé mais il pourrait s’agir d’un artéfact lié au moins grand nombre d’études publiées. Néanmoins jusqu’à présent, il était habituellement recommandé d’avoir recours au PTU plutôt qu’au carbimazole durant la grossesse.

Un groupe d’étude internationa,l dont le projet est d’évaluer le risque de malformations fœtales en relation avec l’utilisation de médicaments durant la grossesse, s’est intéressé à l’impact des ATS sur le risque malformatif.

L’étude a porté sur 18 131 cas d’enfants nés avec des malformations alors même qu’ils avaient été exposés à diverses thérapeutiques lors du premier trimestre de la grossesse. 127 de ces enfants étaient nés de mères soumises à un ATS durant la grossesse : 47 sous PTU et 80 sous CZ ou son métabolite. Huit cas de malformations cardiaques et deux cas d’agénésies ou dysgénésies rénales étaient associées à l’exposition prénatale au PTU mais aucune relation significative n’était retrouvée. L’exposition au CZ ou à son métabolite était associée à des malformations cardiaques graves (4 cas), à une atrésie des choanes (4 cas) ou à un omphalocèle (6 cas) : en revanche ici l’association apparaissait significative.

Le traitement de l’hyperthyroïdie maternel impose un monitorage précis qui vise à réduire les risques maternels et fœtaux de l’hypersécrétion hormonale. Les complications maternelles de l’hyperthyroïdie associent l’hypertension, la défaillance cardiaque, l’accouchement prématuré et l’hématome retro-placentaire. Chez l’enfant, les risques vont de la mort fœtale in utéro à la dysthyroïdie en passant par le retard de croissance et les troubles cardiaques. Les ATS sont utilisés depuis des décennies et les risques chez l’enfant décrits depuis des années. Jusqu’à présent il s’agissait principalement d’agénésie du cuir chevelu sous carbimazole. Concernant le PTU, les études sont peu nombreuses et semblent rassurantes quant à l’impact tératogène de cette molécule. La difficulté majeure vient du fait qu’il s’agisse d’une pathologie peu fréquente et que les anomalies retrouvées y sont rares.

La préoccupation majeure lors du traitement de l’hyperthyroïdie de la femme enceinte est de préserver un parfait équilibre hormonal chez la mère tout en évitant l’hyperthyroïdie fœtale ou le passage en hypothyroïdie, conséquence du passage placentaire des molécules. Néanmoins, il faut garder à l’esprit le risque potentiel de malformations fœtales principalement avec le CZ. A ce jour, il semble donc que les données récentes de la littérature permettent de donner la préférence au PTU plutôt qu’au carbimazole lorsque cela est possible.

Clementi M, Di Gianantonio, Cassina M, Leoncini E, Botto L D, Mastroiacovo P and the SAFE-MED Study Group. Treatment of hyperthyroidism in pregnancy and birth defect. J Clin Endocrinol Metab 2010, 95(11): E 337- E341.

 
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