Vitamine D chez les femmes traitées par un inhibiteur de l’aromatase pour cancer du sein

Le cancer du sein est le cancer féminin le plus fréquent et représente la deuxième cause de mortalité dans les pays développés. Bien heureusement, la survie des femmes atteintes de cette pathologie s’est nettement améliorée ces dernières années et beaucoup de ces patientes vivent longtemps après le traitement de leur cancer. Une avancée importante, dans le traitement adjuvant des femmes ménopausées avec des tumeurs hormono-sensibles, a été la découverte des inhibiteurs de l’aromatase (IA). Ces molécules sont à l’origine d’un effondrement massif des estrogènes circulants et leur utilisation est corrélée à un risque accru de perte osseuse et de fractures pour des durées de traitements allant de 2 à 5 ans. Bien que diverses recommandations aient été édictées pour aider à prévenir et traiter cette perte osseuse, l’appréciation du rôle de la vitamine D reste un sujet de discussion. La vitamine D joue un rôle essentiel dans l’homéostasie calcique et dans le métabolisme osseux. L’importance d’un taux plasmatique circulant optimal en 25 OH D3, son métabolite actif, a été évaluée dans des études récentes qui suggèrent qu’un minimum de 30 ng/ml est nécessaire pour éviter l’hyperparathyroïdie réactionnelle, la perte osseuse et les fractures ostéoporotiques qui en découlent. En outre, le maintien d’un niveau suffisant de 25 OH D3 semble largement recommandé pour éviter des problèmes divers tels que musculaires, dentaires et risque de chutes… Certaines études sembleraient également montrer un effet sur le risque de cancer du sein et colorectal.

Une étude espagnole a tenté d’évaluer, dans une population de femmes traitées pour un cancer du sein, l’effet d’une supplémentation en vitamine D. De janvier 2006 à décembre 2008, 232 patientes ont été étudiées avant et après la mise sous anti-aromatase comme traitement adjuvant de leur cancer du sein. Des mesures de 25 OH D3 ont été réalisées avant, 3 mois puis annuellement après la mise sous traitement. De même, une évaluation des paramètres du turn-over osseux et de la minéralisation osseuse a été pratiquée chaque année.

Toutes les patientes incluses dans l’essai recevaient 1000 mg/j de calcium et 800 UI/j de vitamine D. Pour celles dont le taux initial de 25 OH D3 était inférieur à 30ng/ml, une supplémentation avec 16 000 UI/j de vitamine D toutes les 2 semaines était instituée. Un traitement par biphosphonates y était associé pour celles qui présentaient une ostéoporose (T-Score< 2,5 DS) ou une ostéopénie ( T-Score< 2,0 DS) plus un facteur de risque d’ostéoporose.

L’âge moyen des 232 femmes recrutées était de 63,2 ans, leur taux moyen de 25 OH D3 initial était de 18,5 ng/ml. 88% d’entre elles était en déficit avec un taux inférieur à 30 ng/ml : certaines (67,7%) présentaient un déficit sévère avec des taux < 20 ng/ml et d’autres (21,2%) extrêmement sévère avec des concentrations < 10 ng/ml. Le niveau de vitamine D plasmatique était corrélé à la saison ( plus haut à l’automne), à l’âge ( plus bas chez les femmes les plus âgées) et significativement au BMI ( plus bas pour les BMI les plus élevés). Sur l’ostéodensitométrie initiale, seule la minéralisation fémorale était corrélée au taux de vitamine D. Certaines patientes avaient déjà eu une fracture ostéoporotique avant la mise sous IA : la concentration plasmatique de vitamine D n’apparaissait pas corrélée avec cet antécédent.

Le déficit vitaminique avait été corrigé chez 214 femmes avec des doses de 16 000 UI tous les 15 jours jusqu’à obtention d’un taux plasmatique avoisinant les 30 ng/ml. 150 femmes avaient été antérieurement traitées par tamoxifène avant de swicher pour un IA. Aucune différence concernant les taux de vitamine D n’était retrouvée par rapport à celles mises d’emblée sous IA. En revanche, les concentrations des marqueurs du remodelage osseux étaient inférieures si elles avaient été traitées par tamoxifène. Les données du suivi densitométrique n’étaient malheureusement pas fournies dans l’article.

Un pourcentage très important des patientes débutant un traitement adjuvant par IA a une insuffisance parfois sévère en vitamine D et cela dans des proportions supérieures à ce qui est habituellement observé dans des populations féminines du même âge aussi bien en Espagne que dans différents états des USA. Moyennant de fortes doses en vitamine D, cette insuffisance vitaminique est réversible et des études sont en cours pour analyser l’effet d’une telle substitution sur la perte osseuse et le risque fracturaire chez ces femmes sous IA. Par ailleurs, il a été montré que la normalisation des taux de vitamine D améliore les sensations de douleurs et la fatigue chez les femmes atteintes de cancer du sein (2). Enfin, plusieurs études récentes tendent à montrer le rôle potentiel de taux bas de vitamine D en termes de risque majoré de récidives et de décès par cancer du sein(3).

Pour toutes ces raisons, il semble apparaître qu’une évaluation suivie d’une supplémentation en vitamine D, le cas échéant, chez les femmes atteintes de cancer traitées par anti-estrogènes soit importante. Des études complémentaires sont cependant nécessaires afin de s’assurer de l’innocuité et de l’efficacité d’une telle attitude sur le long terme.

(1). Nogues X, Servitja S, Pena M J, Prieto-Alhambra D, Nadal R, Mellibovsky L, Albanell J, Diez-Perez A, Tusquets I. Vitamin D deficiency and bone mineral density in postmenopausal women receiving aromatase inhibitors for early breast cancer. Maturitas 66 (2010); 291-297.
(2). Khan QJ, Reddy PS, Kimler BF, Sharma P, Baxa SE, O’Déa AP, Klemp JR, Fabian CJ. Breast Cancer Res Treat. 2010;119(1):111-8.
(3). Goodwin PJ, Ennis M, Pritchard KI, Hood N. Pronostic effects of 25-hydroxyvitamin D levels in early breast cancer. J Clin Oncol 2009;27:3757-63.

 
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