Lymphome anaplasique à grandes cellules associé à un implant mammaire : le point sur la controverse

La publication en mars 2015 dans Plastic and Reconstructive Surgery d’une série rétrospective mondiale de 173 cas de lymphome anaplasique à grandes cellules associés à un implant mammaire (LAGC)1  a poussé l’INCA sur la demande du directeur général de la santé à réunir un groupe d’experts qui a un rendu un avis le 4 mars dernier2.
Le premier LAGC autour d’un implant mammaire texturé a été décrit en 1997. 
En 2011, la FDA a analysé 34 cas rapportés de 2004 à 20103 et  évoquait la possibilité d’une association entre ces LAGC et la présence d’implants sans conclure ni donner de recommandations du fait du faible nombre de cas.

Pour comprendre la problématique, un bref rappel concernant les implants mammaires s’impose. Tous les implants mammaires sont composés d’une enveloppe à 3 couches de silicone incluant une couche barrière intermédiaire. Ils peuvent être rempli de sérum physiologique ou de gel de silicone cohésif. La couche externe des enveloppes peut être de 3 types : lisse, texturée ou recouverte de mousse de polyuréthane. 
Les enveloppes texturées utilisent 2 méthodes de fabrications : l’abrasion de cristaux de sels perdus (Biocell® d’Allergan) ou l’empreinte d’une mousse (Siltex® de Mentor).

Les enveloppes lisses ont été les premières disponibles et sont les plus inertes mais l’on constate des taux de contracture capsulaire (coque) d’environ 10 %, principalement lié au développement d’un biofilm péri prothétique. Ce taux est globalement divisé par 3 grâce à l’usage des enveloppes texturées. On explique ce phénomène par le déclenchement d’une réaction inflammatoire initiale qui débarrasserait l’implant de son biofilm.

Les lymphomes décrits autour d’implants mammaires possèdent des caractéristiques particulières qui les distinguent des lymphomes primitifs mammaires majoritairement à cellules B. Ils se développent systématiquement à partir de la capsule péri-prothétique, sont composés de lymphocytes à phénotype T CD 30+ et ALK-. Ils semblent spécifiques à la présence d’implants mammaires texturés, bien qu’un cas de LAGC ait été décrit autour d’un kyste mammaire précédemment aspiré4 et un autre cas autour d’une vis-plaque tibiale5 et un dernier cas autour d’un implant mammaire lisse. La texturation Biocell® d’Allergan est sur-représentée dans la série avec 97 cas parmi les 127 patientes chez qui la nature de l’implant était connue.
Leur présentation clinique se traduit par l’apparition d’un sérome tardif dans 60% des cas. Le LAGC est le plus souvent limité à la capsule et on devrait alors considérer la pathologie comme un sydrome lymphoprolifératif. Dans les autres cas, on peut observer des masses peri prothétiques, des inflammations cutanées ou des adénopathies axillaires.

Le diagnostic repose sur l’IRM à la recherche du sérome et d’une masse péri-prothétique et sur la ponction pour analyse cytologique avec immunohistochimie dans un laboratoire appartenant au réseau LYMPHOPAT. Le bilan d’extension repose sur le PET-Scan. En cas de maladie localisée, on recommande l’ablation de l’implant et sa capsule sans autre traitement adjuvant. En cas de métastases, une chimiothérapie est recommandée associée ou non à une radiothérapie.
Le faible nombre de cas décrits n’a pas permis aux experts d’émettre des recommandations spécifiques aux femmes porteuses d’implants mammaires.

Une interdiction de la commercialisation des implants texturés me semblerait personnellement excessive  si l’on compare le risque extrêmement faible de lymphome  à la diminution importante de l’incidence des coques par rapport aux implants lisses.
En revanche, il me semble nécessaire d’appliquer désormais en France les recommandations américaines de surveillance des implants remplis de gel de silicone qui consiste en un examen clinique annuel avec un chirurgien plasticien et une IRM tous les 2 ans à partir de la troisième année à la recherche d’un rupture ou d’un épanchement peri-prothétique.

1. Brody, G. S. et al. Anaplastic large cell lymphoma occurring in women with breast implants: analysis of 173 cases. Plast. Reconstr. Surg. 135, 695–705 (2015).
2. Lymphome anaplasique à grandes cellules associés à un implant mammaire : avis d’experts. (2015).
3. Anaplastic Large Cell Lymphoma (ALCL) in women with breast implants : Preliminary FDA findings and analyses. (2011).
4. Mulligan, C. et al. ALK1-Negative Anaplastic Large Cell Lymphoma of the Breast from a Nonprosthesis Cyst. Plast. Reconstr. Surg. Glob. Open 2, e238 (2014).
5. Palraj, B. et al. Soft tissue anaplastic large T-cell lymphoma associated with a metallic orthopedic implant: case report and review of the current literature. J. Foot Ankle Surg. Off. Publ. Am. Coll. Foot Ankle Surg. 49, 561–564 (2010).

 
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