Hormonothérapie adjuvante en premenopause : quoi de neuf ?

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L’hormonothérapie adjuvante de référence des femmes traitées pour un cancer du sein  avant la ménopause est le tamoxifène. L’efficacité de cette molécule a été démontrée dans des essais randomisés et dans les méta-analyses de l’EBCTCG. Nous avions eu initialement en France des réticences à utiliser cette molécule en pré ménopause en raison de l’hyperestradiolémie qu’elle engendre. Le pragmatisme anglo-saxon aura finalement eu raison, peu importe l’hyperestradiolémie puisque ça marche !  On observe en effet un bénéfice en survie, en valeur absolue, de 11% chez les patientes N+ et de 5,6% chez les patientes N- quel que soient l’âge ou le statut ménopausique. La castration associée n’ajoutait pas de bénéfice supplémentaire.

Récemment  a  été publié dans le New England les résultats de deux essais  randomisés de phase III comparant chez des patientes pré-ménopausées le tamoxifène associée à une suppression ovarienne à l’exemestane associée à une suppression ovarienne ont été regroupés pour une analyse conjointe. Il s’agit des essais TEXT et SOFT. Le traitement a été proposé pour une durée de 5 ans et concernait donc au total 4690 patientes. Dans l’essai TEXT la suppression ovarienne se faisait par une administration IM tous les 28 jours d’acétate de triptoreline (Décapeptyl) (la castration chirurgicale ou l’irradiation des ovaires étaient possibles après au moins 6 mois de triptoréline) et dans l’essai SOFT avec la même molécule ou par castration chirurgicale ou par irradiation. Dans l’essai SOFT il existait un bras tamoxifène seul. Dans l’essai TEXT la chimiothérapie était optionnelle.

Après une médiane de 68 mois il a été observé 11% de rechute et ou de décès. Le taux de survie sans rechute à 5 ans a été de 91,1% (89,7-92,3) dans le bras exemestane /suppression ovarienne contre 87, 3% (85,7-88,7) dans le bras tamoxifène et suppression ovarienne ce qui correspond à un Hazard Ratio de 0,72 (0,60-0,85) p< 0,001 (rechute, second cancer infiltrant, décès)  La survie à 5 ans a été de 95,9% (94,9-96,7) sous exemestane/ suppression ovarienne et de 96,9% (96-96,6) sous tamoxifène/suppression ovarienne. La différence n’est pas statistiquement significative.

Il a été rapporté des effets indésirables de grade 3 ou 4 chez 30,6% des patientes sous exemestane/suppression ovarienne contre 29,4% sous tamoxifène /suppression ovarienne. Les effets indésirables les plus fréquents ont été les bouffées de chaleur, les troubles musculo-squelettiques et l’hypertension. 50,2% des patientes ont signalé un état dépressif dont 4,1% de grade 3 ou 4. L’ostéoporose avec un Tscore < 2,5 a été rapportée chez  13,2% des patientes sous exemestane/suppression ovarienne contre 6,4% sous tamoxifène/suppression ovarienne. Les fractures, les troubles musculo-squelettiques, la sécheresse vaginale, les dyspareunies et la diminution de la libido ont été plus souvent observés sous exemestane/suppression ovarienne alors que les accidents thromboemboliques, les bouffées de chaleur, l’incontinence urinaire étaient plus fréquents sous tamoxifène/suppression ovarienne. 7 cancers gynécologiques ont été observés sous exemestane/SO contre 9 sous tamoxifène/SO. Les échelles de qualité de vie n’ont pas mis de différence en évidence entre les deux groupes cependant 16% des patientes ont arrêté leur traitement sous exemestane/SO contre 11% sous tamoxifène/SO

Au total, cet essai montre donc une amélioration de la survie sans rechute dans le bras exemestane suppression ovarienne par rapport au bras tamoxifène suppression ovarienne sans bénéfice en survie globale.  En fait il manque un bras tamoxifène seul qui est le traitement adjuvant de référence chez les patientes pré-ménopausées. Le bénéfice en faveur du bras exemestane/SO n’est observé qu’en regroupant tous les types de rechute : locale, locorégionale, à distance, cancer controlatéral…Toutes ces rechutes n’ayant pas le même pronostic. Un plus long recul est nécessaire tant en termes d’efficacité que de toxicité notamment par rapport à l’ostéoporose et aux conséquences de l’HTA. Enfin la sexualité semble notablement perturbée chez ces femmes non ménopausées avec tous grades confondus 52% de sécheresse vaginale, 45% de diminution de la libido, 30,5% de dyspareunie sous exemestane/SO et respectivement 47,4%, 40,9% et 25,8% sous tamoxifène/SO.

Enfin la place de la chimothérapie est difficile à apprécier devant l’hétérogénéité des ces deux études.

En ce qui me concerne le tamoxifène reste le traitement adjuvant de première intention chez les femmes non ménopausées.

 
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