Zika virus et surveillance échographique fœtale

Le mois de mai est un joli mois estival dans les régions du sud de la France ; cette année les autorités sanitaires sont préoccupées par un phénomène entomologique particulier : l’éclosion des larves du moustique tigre.

Aedes albopictus est présent dans 18 départements du Sud de la France. La période d’expansion vectorielle se produit en général au mois de mai et sa période d'activité (et donc le risque de transmission du virus) se situe entre mai et novembre.

Le but de cet éditorial n’est pas de formuler les recommandations chez la femme enceinte qui ont été publiées par ailleurs (1) (2) mais d’insister  sur la qualité de la surveillance échographique fœtale. 

Une vague d’informations initialement contradictoires liées à l’alerte par les autorités brésiliennes fin 2015 sur des chiffres anormalement élevés de microcéphalies , avait fait dire à l’OMS en février 2016 que le lien entre le virus et ses effets pathogènes étaient « une urgence de santé publique de portée internationale ».

Des avancées ont eu lieu tant sur un plan épidémiologique qu’en terme de recherches fondamentales.

- Le caractère neurotrope du virus est attesté par les atteintes cliniques rapportées que ce soit  le Syndrome de Guillain-Barré (SGB) chez l’adulte ou  les atteintes cérébrales chez le fœtus.  L’OMS résume ainsi la situation en mars 2016 :

« Un schéma semble se dessiner selon lequel la détection initiale de la circulation du virus est suivie, dans un délai d’environ trois semaines, d’une augmentation inhabituelle des cas de syndrome de Guillain-Barré.

La détection des cas de microcéphalie et d’autres malformations fœtales survient plus tard »

- Sur un plan épidémiologique, la Martinique, la Guyane et la Guadeloupe sont en situation épidémique depuis le printemps 2016. En Martinique 302 patientes enceintes ont une confirmation biologique de l’infection par Zika Virus depuis le début de l’épidémie d’après le  relevé  du 02 juin 2016(3). A ce jour 2 cas de microcéphalies et 2 cas d’autres anomalies cérébrales ont été diagnostiquées par échographie.  Ces chiffres sont à mettre en perspective avec les 21 patients atteints de SGB.

Les femmes enceintes qui résident dans ces territoires se voient proposer , outre les échographies habituelles de 12 , 22 et 32SA , une surveillance rapprochée avec 3 échos supplémentaires prises en charge par l’assurance maladie : 18 , 28 et 36SA

Cette prise en charge a été décidée  au niveau ministériel et actée par la CNAMTS (5)

La microcéphalie apparaît de moins en moins comme le seul symptôme de l’atteinte cérébrale fœtale ; il existe d’autres anomalies touchant le tronc cérébral, les structures médianes, les noyaux gris centraux (calcifications)  et dans un cas décrit à la Martinique il existait une splénomégalie. Il a été décrit des signes extra cérébraux : RCIU, Immobilisme fœtal

L’atteinte fœtale  peut apparaître que la femme ait eu ou non des signes cliniques, 80 à 85% des patientes sont asymptomatiques.

L’atteinte fœtale est probablement  d’autant plus sévère qu’elle est précoce dans la grossesse.

Quelle Bonne Pratique lors des échographies à l heure actuelle?

- Tout échographiste lors de l’anamnèse va être amené à  poser la question  d’un séjour, de la patiente  ou de son compagnon, dans une zone à risques  (mises à jour régulière  des zones à risques sur le site de l’Institut Pasteur de Lille)

- Tout échographiste doit déclarer au CPDPN avec lequel il travaille, les dossiers de lésions cérébrales susceptibles d’évoquer une atteinte par le virus Zika ; à fortiori il déclare les patientes ayant contracté le virus et dont il assure la surveillance échographique.

- Le Collège Français d’Echographie Fœtale a mis à disposition des échographistes un kit d’aide en ligne de 10 diapos (4) où sont détaillés les outils de la surveillance du cerveau fœtal ; ce kit est accessible sur l’espace Zika du site  cfef.org.

Il convient de ne pas se limiter à la seule mesure du PC, il apparaît nécessaire d’adopter une analyse morphologique du cerveau que ce soit en sus ou en sous tentoriel, en suivant les recommandations de l’échographie diagnostique.

- La surveillance échographique rapprochée (2) est recommandée  chez les femmes infectées, chez les femmes de retour de zones à risques avec une sérologie positive, et de principe chez une femme résidant dans une zone à risques. Chez les patientes de retour de pays à risques  avec sérologie négative, une attitude « au cas par cas » est recommandée ; dans tous ces cas de figures  la  surveillance échographique rapprochée est prise en charge par les organismes sociaux(5)

A noter que ces éléments sont susceptibles  d’évoluer en fonction des données scientifiques.

 

 

1- Virus ZIKA et femme enceinte ou en âge de procréer
Conseil National Professionnel de Gynécologie et Obstétrique
www.cnpgo.org ; version d’avril 2016

2- Repères pour votre pratique - L'infection à virus Zika chez la femme enceinte - 10 mars 2016
inpes.santepubliquefrance.fr

3- Emergence du virus Zika aux Antilles Guyane Situation épidémiologique Point épidémiologique du 2 juin 2016 - N° 21/ 2016 - www.ars.martinique.sante.fr

4- www.cfef.org/

5- www.cfef.org/